Le 18 juin 2025
On la qualifie souvent de « micro-Corse » en raison de la diversité de ses paysages et de ses villages, qui offrent un joli aperçu de la richesse de l'Île de Beauté en un seul endroit. Mais c’est aussi un carrefour stratégique où se croisent l’Histoire, les enjeux du présent et les promesses de demain. Située entre la mer Tyrrhénienne et les premiers contreforts du massif corse, entre tradition et modernité, la Communauté de communes de Marana Golo (CCMG) occupe, en effet, une position-clé dans le nord-est de l’île, au sud de Bastia. On trouve là 10 communes aux identités complémentaires, à cheval entre la plaine fertile de la Marana et les vallées plus escarpées bordant le fleuve Golo. Ce territoire contrasté fait de littoral et de nature est aussi un poumon économique en pleine mutation : zones artisanales, commerces, infrastructures scolaires et équipements publics s’y développent à bon rythme, notamment le long de l’ancienne RN 193 qui mène à Ajaccio. Face aux défis cumulés du changement climatique, de l’aménagement durable et de la préservation du patrimoine naturel et bâti, Marana Golo mise depuis un peu plus de 10 ans sur l’intercommunalité pour mutualiser les moyens, planifier le développement et renforcer la solidarité entre les communes. Pour cela, elle s’est dotée d’un projet de territoire cohérent et structurant, dans lequel s’inscrit tout naturellement son engagement dans le programme Territoire Engagé Transition Écologique porté par l’ADEME.
« Parce que notre territoire cumule à la fois des fragilités et des opportunités très concrètes, j’ai toujours eu le sentiment que la transition écologique devait devenir la pierre angulaire de notre développement » déclare très vite Antoine Filippi, le Directeur Général des Services de la CCMG, lorsqu’on l’interroge sur le sujet. Durant les premières années de la communauté de communes, créée en 2013, de nombreux chantiers autour de la gestion des ressources et de l’aménagement du territoire avaient bien été engagés, à des degrés divers. De premières tentatives de «coopération industrielle » avaient vu le jour également. Mais tout cela, au fond, sans véritable ligne directrice, ni état des lieux initial sur lequel se baser pour évaluer, plus tard, le chemin parcouru. « Notre vision était peu construite et essentiellement centrée sur les compétences historiques du syndicat qui avait précédé la communauté de communes. Elle était sans doute un peu datée aussi, car fondée sur le concept d’étalement urbain » reconnait sans peine le DGS. « Le monde change en accéléré. Il nous fallait donc évoluer, nous aussi, à la fois dans notre regard, nos thématiques et nos pratiques. »
L’anniversaire des 10 ans de la collectivité a constitué une belle occasion de remettre les élus et les services en dialogue sur la question pour construire ensemble le projet de territoire de Mana Golo et ainsi aboutir à la validation d’une nouvelle stratégie de développement. Elle est construite autour de deux piliers : un territoire sobre et solidaire, d’une part ; un territoire attractif et résilient, d’autre part. Avec un socle commun : l’engagement. « C’est à la fois notre marque de fabrique et notre plus grand challenge » admet Antoine Filippi.
Le contrat d’objectif territorial (COT) signé avec l’ADEME en 2022, s’appuyant sur le programme Territoire Engagé Transition Écologique , est donc arrivé à point nommé pour accompagner le lancement de ce nouveau projet structurant et contribuer à son opérationnalisation. Pour le directeur général des services, il n’y a pas vraiment de doute à avoir sur l’intérêt de la démarche : « contrairement à ce que certains pourraient penser – et même si ce n’est pas négligeable-, le bonus financier apporté par le COT n’est pas ce qui nous motive le plus. Non. La valeur ajoutée principale vient du fait que le COT nous aide à relancer nos impulsions initiales en leur donnant un cadre et des objectifs, en y adjoignant une méthode de travail solide et en inscrivant notre action au sein d’un réseau d’envergure nationale. Et ça, ça change tout.»
Lucide, il ajoute : « Le COT agit aussi comme un miroir. Il nous oblige à la fois à nous regarder en face et à prendre du recul. Il pousse, par exemple, les élus à comprendre que les politiques publiques sont, en fait, liées et que, dès lors, il faut les penser et les financer de façon transversale et concertée. Cette dimension systémique est essentielle pour se projeter sans se disperser, surtout quand les ressources humaines et les budgets sont contraints. »
Sébastien Denis, le conseiller expert de T.E.T.E. qui accompagne la CCMG sur les deux volets du programme (Économie circulaire et Climat-Air-Énergie), est sur la même longueur d’ondes : « Aujourd'hui, on peut dire sans se tromper que les référentiels de l’ADEME et la démarche de labellisation associée ont pris une belle envergure. Malgré leur complexité, ce sont de vrais leviers de mobilisation. Ils servent à soutenir le déploiement des outils de planification, bien sûr, mais aussi à amorcer et à concrétiser une transition interne pour l’exemplarité ».
« C’est effectivement un enjeu majeur » reconnaît le DGS. Au-delà des grands sujets à balayer (dont la rénovation énergétique du siège de la collectivité et la politique de déplacements), cette quête d’exemplarité va aussi parfois se nicher dans des recoins insoupçonnés. Antoine Filippi s’en souvient encore : « Parmi une série d’autres choses, il y a eu ce fameux épisode des désodorisants dans les toilettes. Franchement, je ne pensais pas qu’on en arriverait à parler de ça un jour » avoue-t-il dans un éclat de rire. « A l’époque, nous nous servions encore de ces grosses bombes aérosol, pas du tout écologiques. Et le sujet est venu sur le tapis. Mais Sébastien [le conseiller T.E.T.E. de la CCMG] ne nous a pas culpabilisés. Au contraire. Et ça a été vrai aussi sur toute une série d’autres sujets de préoccupation. Nous partions avec beaucoup de handicaps (et celui des désodorisants n’était pas le moindre, clairement), mais il nous a redonné du courage. Il a su apporter ce "petit plus" qui donne du sens et une perspective. Il a su humaniser des concepts souvent froids, et ça, c’est précieux. »
Sans aucun doute possible, la CCMG a des ambitions et une volonté : « En 2025, il faudra du concret, des résultats. On ne vise pas 100 % de réussite, mais on vise en tout cas le progrès. Et pour ça, il faut que les gens y trouvent un "gain" » martèle Antoine Filippi.
C’est presque mot pour mot ce que répondait prudemment Jérôme Cappellaro, un an plus tôt, lorsqu’on l’interrogeait sur la communication à déployer auprès des habitants et des forces vives du territoire, autour de l’engagement de la communauté de communes pour la transition écologique.
Qu’en pense à présent le vice-président référent sur le COT, dès lors que l’état des lieux est terminé ? « Nous sommes au rendez-vous de nos engagements. Et cela, on le doit essentiellement aux services, qui ont été renforcés et qui assurent leur mission » se félicite-t-il.
Julia Peliccia était déjà en place en 2023. C’est elle qui, à l’époque, coordonnait seule l’ensemble des dynamiques COT et CRTE. Vincent Louisiade est venu étoffer l’équipe un peu plus tard, en reprenant dans son giron le volet Climat-Air-Énergie du COT, à la fois sur la programmation et le suivi des actions. « Sur le déploiement des énergies renouvelables – pour ne citer que cet exemple -, nous sommes occupés à faire des études nous permettant de mesurer où se trouve notre véritable potentiel » explique ce dernier. « Par exemple, nous avons tenté de produire de l’énergie par turbinage gravitaire. Mais cela semble une voie sans issue, en tout cas aujourd’hui. Une autre solution, plus simple et classique, pourrait être d’installer des panneaux photovoltaïques sur notre patrimoine bâti, en commençant par nos stations d’épuration. »
Derrière eux, une belle et enthousiaste « team » de collègues a été mise en place grâce à des soutiens variés issus du Fonds Vert, de la Région, de l’ADEME et d’autres dispositifs de financement et appels à projets pour lesquels la collectivité dépose sa candidature dès que cela est possible.
Cette équipe élargie s’affaire à élaborer un Plan de Mobilité Simplifié (PDMS), à déployer un Plan Local de Prévention des Déchets Ménagers et Assimilés (PLPDMA), à donner vie à un Projet Alimentaire Territorial (PAT), entre autres.
Autant d’axes de développement vecteurs de potentielles coopérations avec la Communauté d’Agglomération de Bastia (CAB), dont le territoire prolonge celui de la communauté de communes de Marana Golo au sein d’un bassin de vie cohérent. « Une fois la phase 1 [d’état des lieux] terminée pour les deux collectivités, il y aura forcément des séances de travail organisées en commun afin de repérer les convergences et les actions sur lesquelles unir les forces pour atteindre les objectifs du COT » explique Sébastien Denis , qui accompagne également la CAB dans ce travail.
L’on pourrait aussi évoquer le temps et l’énergie consacrés par la CCMG à faire émerger des synergies inter-entreprises. La manière de faire est toujours la même : une dynamique solide de petits pas et un gros travail de proximité pour incarner la transition écologique au plus près du terrain, en parlant le langage des professionnels, c’est-à-dire en mettant en évidence son intérêt environnemental mais aussi économique.
A cet égard, épinglons, entre autres, la création d’une brocante aux matériaux, dont la première édition a eu lieu en novembre 2024. L’objectif : faire en sorte que les entreprises transforment leurs stocks dormants en opportunités commerciales et que le grand public puisse ainsi faire de bonnes affaires en accédant à des articles de qualité à prix réduits.
Autre bonne idée : les « Cafés de l’Éco ». Lancés en avril 2024, ces petits déjeuners thématiques en sont actuellement à leur 14e édition. Ils permettent aux entrepreneurs locaux de se rencontrer, d’échanger et - qui sait ? - d’initier des alliances pour faire de l’économie circulaire une réalité du quotidien. Et ça marche : en moyenne, une douzaine d’entreprises sont représentées à chacun des rendez-vous fixés par la CCMG. « Ce sont souvent de petites boîtes, pour lesquelles l’impact est important quand le patron s’absente. Si les chefs d’entreprise prennent ce temps-là avec nous, c’est qu’ils perçoivent l’intérêt de ce que nous mettons en place et ce qu’ilsqu’ils peuvent en retirer » analyse Jérôme Cappellaro. « Tout ça » souligne-t-il encore « montre que nous n’avons pas attendu les résultats de l’audit pour agir, et qu’aujourd’hui, les résultats commencent à arriver ».
Le temps serait-il donc venu de communiquer plus largement et ouvertement ? Sans doute puisqu’un agent s’emploie désormais à relayer de manière ciblée et régulière les actions et projets de la CCMG sur les réseaux sociaux (Facebook et LinkedIn, notamment). « Il ne s’agit pas de faire le buzz à tout prix » prévient Jérôme Cappellaro « mais simplement de montrer ce qu’on fait, de façon honnête et directe. »
L’exemple de l’Île de Beauté pourrait-il inspirer d’autres élus, notamment sur le continent ? Une fois de plus, la réponse du vice-président référent est à la fois humble et pleine de fierté : « Je reçois la newsletter du réseau « Élus pour agir » de l’ADEME et je la lis. Si nos actions et nos premiers résultats peuvent servir à d’autres, je serais tout à fait prêt à les partager à travers ce réseau. On ne nous a pas encore sollicités, ni pour un événement, ni pour un webinaire, mais pourquoi pas ? Ce serait vraiment pertinent, par ailleurs, que la parole soit donnée à un territoire corse. Trop souvent, on considère que notre île, comme l’Outre-Mer, reflète une réalité qui serait « trop spécifique » et difficilement transposable. Mais justement, il faut entendre ces expériences-là. Elles ont aussi tout leur intérêt. »
La volonté est là et la main est tendue. Qu’on se le dise.
Propos recueillis par Nathalie Ricaille.